Историки Французской революции - Варужан Арамаздович Погосян
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James Friguglietti avait raison de considérer la querelle entre Mathiez et Aulard comme une confrontation entre l’école «officielle», qui soutenait la troisième République, et la nouvelle école à tendance socialiste de Mathiez. «Finalement, Albert Mathiez et ses successeurs à la Société des études robespierristes triomphèrent» écrit-il[486]. Dans le cas de la polémique de Mathiez avec ses confrères soviétiques, on doit souligner finalement l’éclatante victoire qu’il avait remportée. Le temps s’est prononcé en faveur de Mathiez, ayant prédit en 1930 qu’on ne pouvait jamais étouffer la vérité, et que celle-ci ne tarderait pas à émerger ultérieurement, mrme en Russie. Et il n’a d’ailleurs pas hésité à annoncer qu’elle pourrait se venger de lui[487]. La vérité s’est vengée, mais de ses opposants soviétiques.
Libérés définitivement des cha’hes idéologiques, et aprns avoir reçu la possibilité d’interpréter cette discussion de positions impartiales, quelques-uns des chercheurs russes contemporains ont confirmé le fondement des jugements d’Albert Mathiez. Qu’il me soit permis, pour conclure, de mentionner que dans son ensemble, la célèbre des sentences romaines, errare humanum est, convient parfaitement à la conduite des historiens soviétiques.
P.S. Comme mentionné, Vladimir Dounaïevski a publié dans le revue russe Histoire moderne et contemporaine (1995. N 4) la traduction russe de la lettre d’Albert Mathiez à Grigori Friedland, datée du 20 décembre 1930. Or, comme il me semble il y a lieu de présenter à nos lecteurs l’original de cette lettre, dont la copie dactylographiée est également conservée dans les archives de la Société des historiens marxistes auprns de l’Académie Communiste du Comité Exécutif Central de l’URSS (Les Archives de l’Académie des Sciences de la Russie. Fonds 377. Inventaire 1. Dossier 149a).
Lettre d’Albert Mathiez à Grigori Friedland
Paris, le 20 décembre 1930
Monsieur le Professeur,
J’ai publié l’article de M[onsieu]r Bouchémakine sans hésitation. Pour moi, il n’y a pas d’historiens de I-e, 2-e, ou 3-e catégorie. Cette hiérarchie communiste m’est inconnue. Je ne connais que des articles instructifs et des articles sans intérêt. J’ai estimé que l’article de M[onsieu]r Bouchémakine, bien qu’il fût hostile à mes thèses comme aux vôtres, m’apprenait quelque chose et c’est la raison pour laquelle je l’ai publié Vous me dites qu’il a travesti votre pensée. Je suis incapable d’en juger, ignorant la langue russe. Mais vous pouviez rectifier et j’accueillerai toujours votre rectification avec empressement.
En publiant l’article qui vous a déplu, j’ai voulu donner une preuve de mon libéralisme. Je dois même ajouter que M[onsieu]r Bouchémakine, que je n’ai pas l’honneur de conna’tre, m’a envoyé un nouvel article sur les correspondants de Marat. J’ai accepté cet article, bien que je ne sois pas d’accord avec l’auteur sur des points assez nombreux. Mais voilà que M[onsieu]r Bouchémakine, à ma grande surprise, m’envoie successivement deux cartes postales pour me demander de ne pas publier son article. Votre lettre me fait croire qu’on a fait peur au professeur de Kazan et que cette peur a brisé sa plume!
La suite de votre lettre me prouve que vous n’êtes plus capable de voir la vérité dns que votre gouvernement et votre parti sont en jeu.
Vous affirmez comme établies des choses absolument fausses. M[onsieu]r Herriot n’a jamais fait de propagande pour le boycottage économique de votre Révolution. C’est une calomnie ridicule que démentent toutes les paroles, tous les écrits, tous les actes de M[onsieu]r Herriot.
Vous affirmez que M[onsieu]r Tarlé, dont je m’honore d’être l’ami, devait être le ministre des affaires étrangères de la Contre-Révolution. J’ai sous les yeux la traduction française de l’Acte d’accusation dressé par ce Fouquier-Tinville de bas étage que j’appelle Krylenko. C’est sur la foi d’un Ramsine, étrange accusé que la prison a transformé en accusateur et qui n’hésite pas à faire parler les morts, a mis le nom de M[onsieu]r Tarlé (une première fois seul, une autre fois à coté de celui-ci de M[onsieu]r Milioukof) parmi ceux des futures ministres. Et cela vous suffit, à vous qui vous dites historien, pour que vous dites historien, pour que vous considériez M[onsieu]r Tarlé comme coupable. Vous ne songez pas un moment que le misérable Ramsine a pu user de ce nom sans le consentement de M[onsieu]r Tarlé, vous n’êtes pas frappé par l’invraisemblance de ce propos de table, vous ne remarquez pas que M[onsieu]r Tarlé n’est jamais cité une seule fois dans les réunions du soi-disant parti industriel, vous négligez délibérément tous le passé marxiste de l’homme qu’un misérable accuse sans le moindre commencement de preuve. Quiconque est nommé par le dénonciateur est pour vous un coupable! Quand je lis sous votre plume des affirmations aussi monstrueuses, je me dis que la passion politique vous a enlevé tout votre sens critique et je plains la malheureuse Russie.
Dès le premier jour, j’ai pris hautement la défense de M[onsieu]r Tarlé que je sais innocent parce que je connais ses pensées depuis longtemps. J’aurais été un lâfehe à mes yeux si je ne l’avais pas fait. Les débats du procès de Ramsine, la grâce qui l’a couronné m’ont prouvé que je ne me suis pas trompé et qu’aujourd’hui l’innocence n’est plus en sûreté dans votre pays qui gémit sous l’atroce oppression de contre-révolutionnaires peints en rouge.
Ce procès et d’autres qui suivront sans doute ont pour but de dériver sur de soi-disant conspirateurs la colère du peuple russe que l’échec certain du plan quinquennal risque de décha’her.
Les Machiavels qui tremblent en Kremlin n’hésitent pas à violer toute