Если душа родилась крылатой - Марина Цветаева
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Poemes pour Akhmatova
1O muse des pleurs, la plus belle des muses!Toi, acolyte perdue de la nuit blanche!Tu jettes sur les Russes ta sombre tempe te,Et tes hauts cris nous percent, comme des fle`ches.Nous bondissons de co teґ, et sourdement: ah! —Des milliers de fois — nous te jurons fideґliteґ. — AnnaAkhmatova! — Ce nom me me — vaste soupir,Tombe dans des profondeurs qui n’ont pas de nom.Nous portons une couronne, a` seulement foulerLa me me terre que toi, sous le me me ciel — que toi!Et celui que blesse ton destin mortelS’eґtend immortel deґja` sur son lit de mort.Sur ma ville qui chante, les coupoles brillent,Et l’aveugle qui passe ceґle`bre les louanges du seigneur...— Moi, — je t’offre ma ville avec ses cloches,Akhmatova! — et aussi mon cur, en plus.
3Encore un immense battement —Et les cils dorment.Corps gentil! Poussie`reD’un oiseau leґger!Que faisais-tu dans le brouillardDes jours? J’attendais, je chantais...Et tant de soupirs en elle,Et si peu de chair...Gentille — inhumainement,Sa somnolence.Avec quelque choseDe l’ange et de l’aigle.Elle dort, et le chur l’appelleVers les jardins de l’Eden.Comme si le deґmon endormiN’eґtait pas satureґ de chansons.Les heures, les anneґes, les sie`cles. —Sans nous — sans nos chambres.Et le monument, qui se penche, —Ne se souvient plus.Depuis longtemps, le balai reste inactif,Et se fleґtrissent, obseґquieusement,Au-dessus de la Muse de Tsarskoeґ Selo,Les croix d’orties.
5Tant de compagnons, tant d’amis —Et tu n’es l’eґcho de personne.L’amertume et la fierteґCommandent cette tendre jeunesse.Tu te souviens de cette journeґe folleEt enrageґe: le port, la menace des vents du sud,Les hurlements de la Caspienne — et,Dans la bouche, l’aile d’une rose.Et cette tzigane qui t’a donneґCette pierre, si bien sertie, — etCette tzigane qui t’a mentiA propos de la gloire...Et, — tre`s haut, pre`s des voiles —L’adolescent en caban bleu.Le grondement de la mer — et l’appel,— Redoutable de la Muse blesseґe.
6Tu ne traneras pas. Moi, — je suis le prisonnier.Toi, — le gardien. Nous avons le me me destin.Nous avons la me me feuille de routePour ce territoire vide, vide.Moi, — je suis d’une humeur tranquille!Mes yeux sont transparents!Gardien, laisse-moi allerJusqu’a` ce pin.
8Sur le marcheґ, les gens criaient,La fumeґe sortait de la boulangerieJ’ai le souvenir de la bouche vermeilleD’une chanteuse de rue au visage allongeґ.Dans un cha le sombre — avec des fleurs —,— Pour e tre honoreґe — etToi, les yeux baisseґs, dans la fouleDes croyants, devant la catheґdrale.Prie pour moi, beauteґTriste et diabolique,On eґle`vera pour toi des eґchafaudages,Comme pour la vierge du village.
9Vers Anne, a` la bouche d’or,De toute la Russie, son verbe, etSon expiation, — toi, vent, porteMa voix, et ce lourd soupir.Parle, horizon en feu, parleDe ces yeux, noirs de douleur,Et, doucement, salue, jusqu’a` terre,Parmi les champs doreґs.Raconte, eau verte des ruisseaux,Dans les bois, raconte cette nuit-la`Ou` j’ai vu en toi, et quel visageJ’ai vu, de mes propres yeux.Toi, retrouveґ,Dans la hauteur, avec le tonnerre,Toi, l’anonyme,Porte mon amourA Anne, bouche d’or de toutes les Russies.
11Tu me caches le soleil, — la`-haut,Toutes les eґtoiles dans le creux de ta main!Et si, — portes grandes-ouvertes —Comme le vent — j’entrais chez toi!Et puis balbutier et rougir,Baisser les yeux tout a` fait,Et sangloter pour m’apaiser,Comme un enfant pardonneґ.
12Les deux bras me sont donneґs — pour les tendre a` tous, —Mais ils me fuient. Les le`vres — pour donner des noms,Les yeux — pour ne pas voir, les sourcils tout au-dessus —Pour s’eґtonner tendrement de l’amour et de l’absence d’amour —Plus tendrement encore. La cloche, la`-bas, plus lourdeQue celle du Kremlin, sonne, et sonne dans ma poitrine, —ainsi,Qui sait? — Je ne sais pas, — peut-e tre, — il se peut, — ainsi,Je ne m’inviterai pas longtemps sur la terre russe!Un soleil blanc et de tre`s, tre`s bas nuages,Le long des potagers — derrie`re le mur blanc —,Un cimetie`re. Et sur le sable des rangeґes d’eґpouvantailsDe paille, sous des linteaux a` hauteur d’homme.Pencheґe par-dessus les pieux de la palissade,Je vois des routes, des arbres, des soldats en deґsordre.Une vieille paysanne, pre`s d’un portillon ma che,Ma che une tranche de pain noir avec du gros sel...Pourquoi ce courroux contre ces maisons grises, —Seigneur! — Et pourquoi trouer tant de poitrines?Le train passe et hurle, et hurlent les soldats,Et le chemin se couvre de poussie`re, et il s’eґloigne...—Pluto t mourir! Pluto t ne jamais e tre neґe,Que, la`, pour ce pitoyable cri plaintif de forc atVers les belles aux sourcils noirs. — Comme ils chantentAujourd’hui les soldats! O Seigneur mon Dieu!Tu es ma rivale, et je viendrai chez toi,Un jour quelconque, une certaine nuit claire,Quand les grenouilles hurleront dans l’eґtang,Et que les femmes seront folles de pitieґ.Je m’attendrirai sur le palpitementDe tes paupie`res et sur tes cils, jaloux,Je te dirai: je n’existe pas vraiment,Je ne suis qu’un re ve, dans ton sommeil.Je te dirai: console-moi, console-moi.Quelqu’un enfonce des clous dans mon cur!Je te dirai, a` toi: le vent est frais,Les eґtoiles — au-dessus des te tes — sont chaudes...
Aux juifs
Toi, buisson de roses ardentes, quiNe t’a pieґtineґ, qui ne t’a eґcraseґ!Seul immuable laisseґ sur terre,Apre`s lui, par le Christ.Israёl! Ton deuxie`me re`gneApproche. Vous nous avez payeґDe votre sang toutes les oboles:Heґros! Tratres! Prophe`tes, mercantiles!En chacun de vous — me me s’il compte son orDans son baluchon, pre`s d’une chandelle —Le Christ parle plus fort qu’en Marc,Ou Matthieu, ou Jean, ou Luc.D’un bout a` l’autre de la terre:Crucifixion et descente de Croix...Avec le dernier de tes fils, Israёl,C’est le Christ que nous enterrons.J’aimerais vivre avec Vous —Dans une petite villeAux creґpuscules eґternels,Aux eґternelles cloches —Avec la sonnerie deґlicateD’une horloge ancienne — les gouttes du temps —Dans une petite auberge de campagne.Et le soir, quelquefois, d’une mansarde ou l’autre —Une flu te,Et le flu tiste a` la fene tre.Et de grandes tulipes aux fene tres.Vous ne m’aimeriez, peut-e tre, me me pas.Au milieu de la chambre — un poe le de faїence eґnorme,Avec sur chacun des carreaux — une image:Une rose — un cur — un bateau —Et derrie`re l’unique fene tre:La neige, la neige, la neige.Vous seriez coucheґ — comme je vous aime: insouciant,Indiffeґrent, paresseux.De temps en temps, le brusque frottementD’une allumette.La cigarette s’allume, s’eґteint,Et longtemps, longtemps, tremble a` son extreґmiteґUn court cylindre gris — la cendre.Vous e tes trop paresseux pour la secouer.Et toute la cigarette vole dans le feu.
Don Juan
1A l’aube froide,Sous le sixie`me bouleau,Au coin, pre`s de l’eґglise,Attendez, Don Juan!Je vous le jure, sur mon fianceґ,Heґlas, et sur ma vie,On ne sait, dans mon pays,Ou` s’embrasser!Chez nous, pas de fontaineEt les puits sont geleґs, —Et les Saintes ViergesOnt des yeux seґve`res.Et pour que les bellesN’eґcoutent pas les vainesParoles, — nous avonsUn tre`s sonore carillon.Je pourrais vivre ainsi,Mais j’ai peur — de vieillir,Et puis, mon beau, ce paysNe vous convient pas.Dans un manteau d’ours,Qui vous reconnatrait? —Si ce n’eґtait les le`vres,Vos le`vres, Don Juan!
2Longtemps la tempe te, et les pleursDe la neige. — A l’aube brumeuse,On a coucheґ Don JuanDans un lit de neige.Ni bruyantes fontaines,Ni chaudes eґtoiles...Sur la poitrine de Don Juan,Une croix orthodoxe.Afin que la nuit eґternelleSoit plus claire — pour toi,J’ai apporteґ un eґventail,Noir, de Seґville....Et pour que tu voisDe tes propres yeux, la beauteґDes femmes, — cette nuitJe t’apporterai un cur.Dormez en paix, maintenant!De tre`s loin vous e tes venu,Ici, chez moi. Votre listeEst comple`te, Don Juan!
3Apre`s tant de roses, de villes, de toasts —Comment n’e tes-vous pas fatigueґDe m’aimer? Vous — presque un squelette,Moi — presque une ombre.Vous avez du recourir aux forcesCeґlestes? — Que m’importe! — EtQue m’importe cette odeur de NilQui vient de mes cheveux?Moi — c’est mieux —, je vous raconteLe conte: c’eґtait en janvier. Quelqu’unA jeteґ une rose. Un moine masqueґPortait une lanterne. Une voixIvre, — priait et s’emportait,Pre`s du mur de la catheґdrale.Don Juan de Castille, alors,Rencontra Carmen.
4Il est minuit — juste.La lune — un eґpervier.— Tu regardes — quoi?— Je regarde — c’est tout!— Je te plais? — Non.— Tu me reconnais? — Peut-e tre.— Je suis Don Juan.— Et moi — Carmen.
5Don Juan avait — une eґpeґe,Don Juan avait — Dona Ana.C’est tout ce que les gens m’ont ditDu beau, du malheureux Don Juan.Mais aujourd’hui, j’ai ruseґ:A minuit juste, je suis alleґe sur la route.Quelqu’un a marcheґ pre`s de moi,Il reґpeґtait des noms.Et une eґtrange crosse — blanchissait dans la brume...— Don Juan n’a jamais eu — Dona Ana!
6Et la ceinture de soie, — le serpentDu paradis, — tombe a` ses pieds...Et on me dit — Je me calmerai,Un jour, la`-bas, sous la terre.Je vois mon profil hautain etVieux, sur le brocard blanc.Et quelque part — des gitanes — des guitares —Et de jeunes hommes en manteaux noirs.Alors, quelqu’un, cacheґ sous un masque:— Reconnaissez-moi! — Je ne sais pas —Reconnaissez-moi! —Et la ceinture de soie tombeSur la place — ronde, comme le paradis.Tu es sortie d’une catheґdrale auste`re et finePour les criailleries de la place publique...— Liberteґ! — La Belle DameDes marquis et des princes russes.Voici, en cours, la terrible reґpeґtitionDu chur, — la messe continuera!— Liberteґ! — Fille de joieSur la poitrine folle d’un soldat!Embrasser sur le front — efface les soucis.J’embrasse sur le front.Embrasser sur les yeux — supprime l’insomnie.J’embrasse sur les yeux.Embrasser sur la bouche — donne a` boire.J’embrasse sur la bouche.Embrasser sur le front — efface la meґmoire.J’embrasse sur le front.
Brumes Anciennes de L’Amour
1Au-dessus des contours du cap noir —La lune — chevalier dans son armure.Sur le quai — haut de forme, fourrures,Je voudrais: une actrice, un poe`te.Vaste souffle du vent, —Souffle des jardins du nord, —Vaste souffle malheureux:Ne laissez pas trai ner mes lettres.
2Ainsi, les mains enfonceґes dans les poches,Je suis la`, debout. La route bleuit.— Aimer de nouveau, et quelqu’un d’autre?Toi, tu pars, le matin to t.Chaudes brumes de la City —Dans tes yeux. Eh bien, c’est ainsi.Je me souviendrai — seulement ta boucheEt ton cri passionneґ: — vivre!
3Il lave le rouge le plus lumineux —L’amour. Essayez un peu leur gou t,Elles sont saleґes — les larmes. J’ai peur,Moi, demain matin — de me lever morte.Des Indes, envoyez-moi des pierres.Quand nous reverrons-nous? — En re ve.—Quel vent! — Salut a` l’eґpouse,Et a` l’autre dame, — aux yeux verts.
4Le vent jaloux fait bouger le cha le.Cette heure m’eґtait preґdestineґe, depuis toujours.— Je sens, autour des le`vres et sur les paupie`resUne tristesse presque animale.Cette faiblesse le long des genoux!— Ainsi la voila`, la fle`che divine! —— Quelle lueur d’incendie! — Aujourd’huiJe serai la farouche Carmen.... Ainsi, les mains enfonceґes dans les poches,Je suis la`, debout. — Entre nous, l’oceґan.Au-dessus de la ville — brumes, brumes,Brumes anciennes des amours.Je me souviens du premier jour, la feґrociteґ des nouveaux-neґs,La brume divine des langueurs, et la gorgeґe,L’insouciance totale des mains, le cur qui manque de cur,Et qui tombe comme une pierre — ou un eґpervier —sur la poitrine.Et puis voila`, dans les gestes de la pitieґ et de la fie`vre,Une seule chose: hurler comme un loup, une seule:se prosterner,Baisser les yeux — comprendre — que le cha timentde la volupteґEst cet amour cruel, cette passion de forc at.
Rouen