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Maigret et son mort - Simenon

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C’était vrai qu’il avait des traits communs avec son mort. Au fond – il y pensait soudain – ce n’étaient pas tant les déménagements qui l’effrayaient, mais le fait de changer d’horizon. L’idée de ne plus voir les mots Lhoste et Pépin dès son réveil, de ne plus faire le même chemin, chaque matin, le plus souvent à pied…

Ils étaient tous les deux de leur quartier, le mort et lui. Et cette constatation lui faisait plaisir. Il vidait sa pipe, en bourrait une autre.

— Tu crois vraiment que c’est un tenancier de bar ?

— J’ai peut-être exagéré un tout petit peu en me montrant affirmatif, mais, puisque je l’ai dit, je souhaite qu’il en soit ainsi. Cela se tient, tu sais ?

— Qu’est-ce qui se tient ?

— Tout ce que j’ai raconté. Au début, je ne croyais pas que j’en dirais autant. Ils m’arrivait d’improviser. Puis j’ai senti que tout cela collait. Jai continué.

— Et si c’était un cordonnier, ou un tailleur ?

— Le docteur Paul me l’aurait dit. Moers aussi.

— Comment auraient-ils pu le savoir ?

— Le docteur l’aurait découvert en étudiant les mains, les callosités, les déformations ; Moers, d’après les poussières trouvées dans les vêtements.

— Et si c’était n’importe quoi d’autre qu’un tenancier de bar ?

— Tant pis, alors ! Passe-moi mon livre.

C’était encore une habitude, quand il était malade, de se plonger dans un roman d’Alexandre Dumas père : il possédait ses œuvres complètes dans une vieille édition populaire aux pages jaunies, aux gravures romantiques, et rien que l’odeur qui émanait de ces livres-là lui rappelait toutes les petites maladies de sa vie.

On entendait le poêle qui ronronnait, les aiguilles à tricoter qui cliquetaient. En levant les yeux, il voyait le va-et-vient du balancier de cuivre de la pendule dans son armoire de chêne sombre.

— Tu devrais reprendre de l’aspirine.

— Si tu veux.

— Pourquoi penses-tu qu’il se soit adressé à quelqu’un d’autre ?

Brave Mme Maigret ! Elle aurait bien voulu l’aider. D’habitude, elle ne se permettait guère de questions sur ses activités professionnelles – à peine sur l’heure probable de ses rentrées et de ses repas – mais, quand il était malade et qu’elle le voyait travailler, elle ne pouvait s’empêcher d’être un peu inquiète. Au fond, tout au fond d’elle-même, elle devait penser qu’il n’était pas sérieux.

À la P. J., sans doute se montrait-il différent, sans doute agissait-il et parlait-il comme un vrai commissaire ?

Cet entretien avec le juge Coméliau – surtout avec lui ! – la tarabustait, et on voyait qu’elle ne cessait pas d’y penser, tout en comptant ses points du bout des lèvres.

— Dis donc, Maigret...

Il leva un front buté, car il était plongé dans sa lecture.

— Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Tu as dit, à propos de la gare de Lyon, qu’il n’avait pas osé rentrer chez lui, parce que l’homme l’y aurait suivi.

— Oui, j’ai probablement dit ça.

— Hier, tu m’as dit qu’il avait sans doute changé de veston.

— Oui. Eh bien ?

— Et tu viens de parler au juge de la brandade, comme s’il l’avait mangée dans son propre restaurant. Donc il y est retourné. Donc il n’avait plus peur qu’on le suive dans sa maison.

Est-ce que Maigret y avait vraiment pensé auparavant ? Est-ce qu’au contraire il improvisait sa réponse ?

— Cela se tient très bien.

— Ah !

— La gare, c’est mardi soir. Il n’avait pas encore fait appel à moi. Il espérait échapper à son suiveur.

— Et le lendemain ? Tu crois qu’il n’était plus suivi ?

— Peut-être que oui. C’est même probable. Seulement, j’ai dit aussi qu’il avait changé d’avis, vers cinq heures. N’oublie pas qu’il a donné un coup de téléphone et qu’il a réclamé une enveloppe.

— Évidemment...

Sans être convaincue, elle crut bon de soupirer.

— Tu as sans doute raison.

Le silence. De temps en temps, une page tournait, et, dans le giron de Mme Maigret, la chaussette s’allongeait un tant soit peu. .

Elle ouvrit la bouche, la referma. Sans lever la tête, il fit :

— Dis !

— Ce n’est rien... Cela ne signifie certainement rien... Je pensais seulement qu’il s’est trompé, puisqu’il a quand même été tué...

— Trompé en quoi ?

— En rentrant chez lui. Excuse-moi. Lis...

Mais il ne lisait pas, pas attentivement en tout cas, car ce fut lui qui leva la tête le premier.

— Tu oublies la panne ! dit-il.

Et il lui semblait qu’une nouvelle issue était offerte à sa pensée, qu’une déchirure se produisait, au-delà de laquelle il allait entrevoir la vérité.

— Ce qu’il faudrait savoir, c’est combien de temps exactement l’auto jaune est restée en panne.

Il ne parlait plus pour elle, mais pour lui ; elle le savait et se gardait bien de l’interrompre à nouveau.

— Une panne est un événement imprévisible. C’est un accident, quelque chose qui, par définition, dérange les plans préconçus. Donc les événements ont été différents de ce qu’ils auraient dû être.

Il regarda sa femme d’une drôle de façon. C’était elle, en définitive qui venait de le mettre sur la voie.

— Suppose qu’il soit mort à cause de la panne ?

Du coup, il referma son livre, qu’il laissa sur ses genoux, tendit la main vers le téléphone, composa le numéro de la P. J.

— Passe-moi Lucas, vieux. S’il n’est pas dans son bureau, tu le trouveras dans le mien... C’est toi, Lucas ?... Comment ?... Du nouveau ?... Un instant...

Il voulait parler le premier, par crainte qu’on lui apprît justement ce qu’il venait de découvrir tout seul.

— Tu vas envoyer un homme, quai Henri-IV, Ériau ou Dubonnet, si tu les as sous la main. Qu’ils questionnent toutes les concierges, tous les locataires, pas seulement au 63 et dans les maisons voisines, mais dans tous les immeubles. Le quai n’est pas si long. Des gens ont certainement remarqué l’auto jaune. Je voudrais savoir aussi exactement que possible à quelle heure elle est tombée en panne et à quelle heure elle est repartie. Attends ! Ce n’est pas tout. Les gens ont peut-être eu besoin d’une pièce de rechange. Il doit exister des garages dans les environs. Qu’on les visite aussi. C’est tout pour le moment... À toi, maintenant !

— Un instant, patron. Je passe dans un autre bureau.

Cela signifiait que Lucas n’était pas seul et qu’il ne voulait pas parler devant la personne avec qui il se trouvait.

— Allô !... Bon ! Je préfère qu’elle ne m’entende pas. C’est toujours au sujet de l’auto. Une vieille femme s’est présentée il y a une demi-heure, et je l’ai reçue dans votre bureau. Malheureusement, elle me paraît un peu folle...

C’était inévitable. Une enquête, pour peu qu’on lui donne une certaine publicité, finit par attirer à la P. J. tous les fous et toutes les folles de Paris.

— Elle habite quai de Charenton, un peu plus loin que les entrepôts de Bercy.

Cela rappela à Maigret une enquête qu’il avait faite quelques années plus tôt dans une étrange petite maison située dans ces parages. Il revoyait le quai de Bercy, avec les grilles de l’entrepôt à gauche, les grands arbres, le parapet en pierre de la Seine à droite. Puis, après un pont dont il avait oublié le nom, le quai s’élargissait, bordé d’un côté de pavillons à un ou deux étages qui faisaient penser à la banlieue bien plus qu’à la ville. Il y avait toujours un grand nombre de péniches à cet endroit-là, et le commissaire revoyait le port couvert de tonneaux à perte de vue.

— Qu’est-ce qu’elle fait, ta vieille femme ?

— Voilà le hic. Elle est, cartomancienne et voyante extra-lucide.

— Hum !

— Oui, c’est ce que j’ai pensé aussi. Elle parle avec une volubilité effrayante, en vous regardant dans les yeux d’une façon gênante. D’abord, elle m’a juré qu’elle ne lisait jamais les journaux et elle a essayé de me faire croire que c’était inutile, puisqu’elle n’avait qu’à se mettre en transes pour être au courant des événements.

— Tu l’as un peu poussée.

— Oui. Elle a fini par admettre qu’elle avait peut-être jeté les yeux sur un journal qu’une cliente avait laissé chez elle.

— Alors ?

— Elle a lu la description de l’auto jaune. Elle affirme qu’elle l’a vue mercredi soir, à moins de cent mètres de chez elle.

— À quelle heure ?

— Vers neuf heures du soir.

— Elle a vu les occupants aussi ?

— Elle a vu deux hommes entrer dans une maison.

— Et elle peut te désigner la maison ?

— C’est un petit café qui fait le coin du quai et d’une rue. Cela s’appelle Au Petit Albert.

Maigret serrait fortement le tuyau de sa pipe entre ses dents et évitait de regarder Mme Maigret par crainte de lui laisser voir la petite flamme qui dansait dans ses yeux.

— C’est tout ?

— À peu près tout ce qu’elle m’a dit d’intéressant. Elle n’en a pas moins parlé pendant une demi-heure à une rapidité effrayante. Il serait peut-être préférable que vous la voyiez ?

— Parbleu !

— Vous voulez que je vous l’amène ?

— Un instant. Sait-on combien de temps l’auto est restée devant le Petit Albert ?

— Environ une demi-heure.

— Elle est repartie en direction de la ville ?

— Non. Elle a suivi le quai vers Charenton.

— Aucun colis n’a été transporté de la maison dans la voiture ? Tu comprends ce que je veux dire ?

— Non. La vieille est sûre, prétend-elle, que les hommes ne portaient rien. C’est justement ce qui me tracasse. Il y a aussi l’heure. Je me demande d’ailleurs ce que les types auraient fait avec le macchabée de neuf heures du soir à une heure du matin. Ils n’ont pas dû aller se promener à la campagne. Je vous amène l’oiseau ?

— Oui. Tu vas prendre un taxi que tu garderas. Emmène un inspecteur avec toi. Il attendra en bas avec ta vieille femme.

— Vous voulez sortir ?

— Oui.

— Votre bronchite ?

Lucas, lui, était gentil ; il disait bronchite au lieu de rhume, ce qui faisait plus sérieux.

— Ne t’en inquiète pas.

Mme Maigret commençait à s’agiter sur sa chaise et ouvrait la bouche.

— Recommande à l’inspecteur de ne pas la laisser filer pendant que tu monteras. Certains gens éprouvent soudain le besoin de changer d’avis.

— Je ne crois pas que ce soit son cas. Elle tient à avoir sa photo dans les journaux, avec ses titres et qualités. Elle m’a demandé où étaient les photographes.

— Qu’on la photographie avant son départ. Cela lui fera toujours plaisir.

Il raccrocha, regarda Mme Maigret avec une douce ironie, puis regarda son Alexandre Dumas qu’il n’avait pas fini, qu’il ne finirait sans doute pas cette fois-ci, qui attendrait une nouvelle maladie. Il eut un coup d’œil aussi, mais de mépris, à la tasse de tisane.

— Au boulot ! lança-t-il en se levant et en se dirigeant vers le placard où il prit le flacon de calvados et un petit verre à bord doré.

— C’était bien la peine de te bourrer d’aspirine pour que tu transpires !

CHAPITRE IV

Il y a, dans la tradition de la P. J., un certain nombre de « planques » célèbres, qu’on raconte invariablement aux nouveaux venus. Une de Maigret entre autres, vieille de quinze ans. C’était une fin d’automne, au plus mauvais de l’année, surtout en Normandie, où le ciel bas et plombé rendait les jours encore plus courts. Trois jours et deux nuits durant, le commissaire était resté collé à une porte de jardin, sur une route déserte, dans les environs de Fécamp, à attendre qu’un homme sortît de la villa d’en face. Il n’y avait aucune autre maison en vue. Rien que des champs. Les vaches elles-mêmes étaient rentrées. Il aurait fallu faire deux kilomètres pour trouver un téléphone et demander qu’on vienne le relayer. Personne ne le savait là. Lui-même n’avait pas prévu qu’il y viendrait.

Pendant trois jours et deux nuits, il avait plu à torrents, une pluie glacée qui finissait par noyer le tabac dans sa pipe. Peut-être, en tout, était-il passé trois paysans en sabots qui l’avaient regardé avec méfiance et qui avaient hâté le pas. Maigret n’avait rien à manger, rien à boire, et le pire c’est que, dès la fin du second jour, il n’avait plus d’allumettes pour sa pipe.

Lucas en avait une autre à son actif, celle qu’on appelait l’histoire de l’invalide à tête de bois. Pour surveiller un petit hôtel – c’était justement au coin de la rue de Birague, près de la place des Vosges – on l’avait installé dans une chambre d’en face, transformé en vieillard paralytique qu’une infirmière poussait chaque matin devant la fenêtre, où il restait toute la journée. Son visage était garni d’une belle barbe en éventail et on lui donnait à manger à la cuiller. Cela avait duré dix jours, après lesquels il pouvait à peine se servir de ses jambes.

Maigret se remémora ces histoires et quelques autres, cette nuit-là, et il pressentait que la planque qui commençait serait aussi fameuse. Aussi savoureuse, en tout cas, surtout pour lui.

C’était presque un jeu, auquel il jouait le plus sérieusement du monde. Vers sept heures, par exemple, au moment où Lucas allait partir, il lui avait dit, tout naturellement :

— Tu prendras bien un petit verre ?

Les volets du café étaient fermés, comme il les avait trouvés. Les lampes étaient allumées. C’était autour d’eux l’atmosphère de n’importe quel petit bar après la fermeture, avec les tables à leur place, la sciure de bois étalée sur le plancher.

Maigret était allé prendre des verres sur l’étagère.

— Picon-grenadine ? Export-cassis ?

— Export.

Et, comme s’il avait voulu s’identifier davantage au patron, il s’était servi une Suze.

— Qui est-ce que tu vois, toi, qui pourrais faire l’affaire ?

— Il y a Chevrier. Ses parents tenaient un hôtel à Moret-sur-Loing, et il les a aidés jusqu’à son service militaire.

— Touche-le dès ce soir, afin qu’il se prépare. À ta santé ! Il faut qu’il déniche une femme sachant faire la cuisine.

— Il se débrouillera.

— Encore un petit vermouth ?

— Merci. Je file.

— Envoie-moi Moers tout de suite. Qu’il apporte son outillage.

Et Maigret le reconduisait jusqu’à la porte, contemplait un moment le quai désert, les barriques alignées, les péniches amarrées pour la nuit.

C’était un petit café comme on en voit beaucoup, non dans Paris même, mais dans les banlieues, un vrai petit café pour cartes postales ou pour images d’Épinal. La maison, qui faisait le coin, n’avait qu’un étage, un toit de tuiles rouges, des murs peints en jaune sur lesquels on lisait en grosses lettres brunes : Au Petit Albert. Puis, de chaque côté, avec de naïves arabesques : Vins - Casse-croûte à toute heure.

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Татьяна
Татьяна 21.11.2024 - 19:18
Одним словом, Марк Твен!
Без носенко Сергей Михайлович
Без носенко Сергей Михайлович 25.10.2024 - 16:41
Я помню брата моего деда- Без носенко Григория Корнеевича, дядьку Фёдора т тётю Фаню. И много слышал от деда про Загранное, Танцы, Савгу...