Категории
Самые читаемые книги

Maigret aux assises - Simenon

Читать онлайн Maigret aux assises - Simenon

Шрифт:

-
+

Интервал:

-
+

Закладка:

Сделать
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 ... 15
Перейти на страницу:

— Je n’ai fait que ça. Gaston ne voulait pas.

— Pour quelle raison ?

— Peut-être parce qu’il était jaloux.

— Il vous faisait des scènes de jalousie ?

— Pas des scènes.

— Tournez-vous vers messieurs les jurés.

— J’oubliais. Pardon.

— Sur quoi vous basez-vous pour affirmer qu’il était jaloux ?

— D’abord, il ne voulait pas que je travaille. Ensuite, rue du Chemin-Vert, il surgissait sans cesse de la cuisine pour m’épier.

— Il lui est arrivé de vous suivre ?

Pierre Duché s’agitait sur son banc, incapable de voir où le président voulait en venir.

— Je ne l’ai pas remarqué.

— Le soir, vous demandait-il ce que vous aviez fait ?

— Oui.

— Que lui répondiez-vous ?

— Que j’étais allée au cinéma.

— Vous êtes certaine de n’avoir parlé à personne de la rue Manuel et de Léontine Faverges ?

— Seulement à mon mari.

— Pas à une amie ?

— Je n’ai pas d’amies.

— Qui fréquentiez-vous, votre mari et vous ?

— Personne.

Si elle était déroutée par ces questions, elle n’en laissait rien voir.

— Vous souvenez-vous du costume que votre mari portait le 27 février à l’heure du déjeuner ?

— Son costume gris. C’était celui de semaine. Il ne mettait l’autre que le samedi soir, si nous sortions, et le dimanche.

— Et pour aller voir sa tante ?

— Quelquefois, je pense qu’il a mis son complet bleu.

— Il l’a fait ce jour-là ?

— Je ne peux pas savoir. Je n’étais pas à la maison.

— Vous ignorez si, au cours de l’après-midi, il est revenu dans l’appartement ?

— Comment le saurais-je ? J’étais au cinéma.

— Je vous remercie.

Elle restait là, décontenancée, incapable de croire que c’était fini, qu’on n’allait pas lui poser les questions que tout le monde attendait.

— Vous pouvez regagner votre place.

Et le président enchaînait :

— Faites avancer Nicolas Cajou.

Il y avait de la déception dans l’air. Le public avait l’impression qu’on venait de tricher, d’escamoter une scène à laquelle il avait droit. Ginette Meurant se rasseyait comme à regret et un avocat, près de Maigret, soufflait à ses confrères :

— Lamblin lui a mis le grappin dessus dans le couloir pendant la suspension...

Maître Lamblin, à la silhouette de chien famélique, faisait beaucoup parler de lui au Palais, rarement en bien, et il avait été plusieurs fois question de le suspendre du barreau. Comme par hasard, on le retrouvait installé à côté de la jeune femme et il lui parlait à voix basse avec l’air de la féliciter.

L’homme qui s’avançait vers la barre en traînant la patte était un tout autre échantillon d’humanité. Si Ginette Meurant, sous ses fards, avait la pâleur des femmes qui vivent en serre chaude, il était, lui, non seulement blafard, mais d’une matière molle et malsaine.

Était-ce à la suite de son opération qu’il avait tant maigri ? Toujours est-il que ses vêtements flottaient, beaucoup trop amples, sur son corps qui avait perdu tout ressort et toute souplesse.

On l’imaginait mieux tapi, en pantoufles, dans le bureau aux vitres dépolies de son hôtel, que marchant sur les trottoirs de la ville.

Il avait des poches sous les yeux, des peaux sous le menton.

— Vous vous appelez Nicolas Cajou, soixante-deux ans. Vous êtes né à Marillac, dans le Cantal, et vous exercez la profession de gérant d’hôtel à Paris, rue Victor-Massé.

— Oui, monsieur le Président.

— Vous n’êtes ni parent, ni ami, ni au service de l’accusé... Vous jurez de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité...

Levez la main droite... Dites : Je le jure...

— Je le jure...

Un assesseur se penchait vers le président pour une observation qui devait être pertinente car Bernerie parut frappé, réfléchit un bon moment, finit par hausser les épaules. Maigret, qui n’avait rien perdu de la scène, croyait avoir compris.

Les témoins qui ont subi une condamnation infamante, en effet, ou qui se livrent à une activité immorale, n’ont pas le droit de prêter serment. Or, le tenancier de meublé ne se livrait-il pas à un métier immoral, puisqu’il recevait dans son établissement des couples dans des conditions interdites par la loi ? Était-on sûr qu’aucune condamnation ne figurait à son casier judiciaire ?

Il était trop tard pour vérifier et le président toussotait avant de demander d’une voix neutre :

— Tenez-vous régulièrement un registre des clients qui vous louent des chambres ?

— Oui, monsieur le Président.

— De tous les clients ?

— De tous ceux qui passent la nuit dans mon hôtel.

— Mais vous n’enregistrez pas les noms de ceux qui ne font que s’y arrêter au cours de la journée ?

— Non, monsieur le Président. La police pourra vous dire que...

Qu’il était régulier, bien sûr, qu’il n’y avait jamais de scandale dans son établissement et qu’à l’occasion il fournissait à la brigade des garnis ou aux inspecteurs des mœurs les tuyaux dont ils avaient besoin.

— Vous avez regardé avec attention le témoin qui vous a précédé à la barre ?

— Oui, monsieur le Président.

— Vous l’avez reconnu ?

— Oui, monsieur le Président.

— Dites à messieurs les jurés dans quelles circonstances vous avez vu cette jeune femme, auparavant.

— Dans les circonstances habituelles.

Un regard de Bernerie étouffa les rires.

— C’est-à-dire ?

— C’est-à-dire qu’elle venait souvent, l’après-midi, en compagnie d’un monsieur qui louait une chambre.

— Qu’appelez vous souvent ?

— Plusieurs fois par semaine...

— Combien par exemple ?

— Trois ou quatre fois.

— Son compagnon était toujours le même ?

— Oui, monsieur le Président.

— Vous le reconnaîtriez ?

— Certainement.

— Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?

— La veille de mon entrée à l’hôpital, c’est-à-dire le 25 février. À cause de mon opération, je me souviens de la date.

— Décrivez-le.

— Pas grand... Plutôt petit... Je soupçonne que, comme certains qui souffrent d’être petits, il portait des souliers spéciaux... Toujours bien habillé, je dirais même tiré à quatre épingles... Dans le quartier, nous connaissons ce genre-là... C’est même ce qui m’a étonné...

— Pourquoi ?

— Parce que ces messieurs, en général, n’ont pas l’habitude de passer l’après-midi à l’hôtel, surtout avec la même femme...

— Je suppose que vous connaissez plus ou moins de vue la faune de Montmartre ?

— Pardon ?

— Je veux dire les hommes dont vous parlez...

— J’en vois passer.

— Cependant, vous n’avez jamais vu celui-là ailleurs que dans votre établissement ?

— Non, monsieur le Président.

— Vous n’en avez pas entendu parler non plus ?

— Je sais seulement qu’on l’appelle Pierrot.

— Comment le savez-vous ?

— Parce qu’il est arrivé à la dame qui l’accompagnait de l’appeler ainsi devant moi.

— Il avait un accent ?

— Pas à proprement parler. Pourtant, j’ai toujours pensé qu’il était du Midi, ou que c’était peut-être un Corse.

— Je vous remercie.

Cette fois encore, on lisait le désappointement sur les visages. On avait attendu une confrontation dramatique et il ne se passait rien, qu’un échange en apparence innocent de questions et de réponses.

Le président regardait l’heure.

— L’audience est suspendue et reprendra à deux heures et demie.

Le même brouhaha que tout à l’heure, à la différence, cette fois, que toute la salle se vidait et qu’on faisait la haie pour voir passer Ginette Meurant. Il semblait, de loin, à Maigret, que Maître Lamblin restait dans son sillage et qu’elle se retournait de temps en temps pour s’assurer qu’il la suivait.

Le commissaire avait à peine franchi la porte qu’il se heurtait à Janvier, lui lançait un regard interrogateur.

— On les a eus, patron. Ils sont tous les deux au Quai.

Le commissaire mettait un bon moment à comprendre qu’il s’agissait d’une autre affaire, un vol à main armée dans une succursale de banque du XXe arrondissement.

— Comment cela s’est-il passé ?

— C’est Lucas qui les a arrêtés chez la mère d’un des garçons. L’autre était caché sous le lit et la mère l’ignorait. Depuis trois jours, ils ne sortaient pas. La pauvre femme croyait son fils malade et lui préparait des grogs. Elle est veuve d’un employé des chemins de fer et elle travaille dans une droguerie du quartier...

— Quel âge ?

— Le fils, dix-huit ans. Le camarade, vingt.

— Ils nient ?

— Oui. Je crois pourtant que vous les aurez facilement

— Tu déjeunes avec moi ?

— De toute façon, j’ai prévenu ma femme que je ne rentrerais pas.

Il pleuvait toujours quand ils traversèrent la place Dauphine pour se diriger vers la brasserie qui était devenue une sorte de succursale de la P. J.

— Et au Palais ?

— Encore rien de précis.

Ils s’arrêtèrent devant le comptoir en attendant qu’une table soit libre.

— Il faudra que je téléphone au président pour qu’il m’autorise à m’absenter des débats.

Maigret n’avait pas envie de passer l’après-midi immobile dans la foule, dans la chaleur moite, à écouter des témoins qui, désormais, n’apporteraient plus rien d’imprévu. Ces témoins-là, il les avait entendus dans le calme de son bureau. Pour la plupart, il les avait vus aussi chez eux, dans leur cadre.

La Cour d’Assises avait toujours représenté pour lui la partie la plus pénible, la plus morne de ses fonctions, et il y ressentait chaque fois une même angoisse.

Est-ce que tout n’y était pas faussé ? Non par la faute des juges, des jurés, des témoins, non pas à cause du code ou de la procédure, mais parce que des êtres humains se voyaient soudain résumés, si l’on peut dire, en quelques phrases, en quelques sentences.

Il lui était arrivé d’en discuter avec son ami Pardon, le médecin de quartier avec qui ils avaient pris l’habitude, sa femme et lui, de dîner une fois par mois.

Un jour que son cabinet n’avait pas désempli, Pardon avait laissé pointer du découragement, sinon de l’amertume.

— Vingt-huit clients dans le seul après-midi ! À peine le temps de les faire asseoir, de leur poser quelques questions. Que ressentez-vous ? Où avez-vous mal ? Depuis combien de temps ? Les autres attendent, le regard fixé sur la porte matelassée, et se demandant si leur tour viendra jamais. Tirez la langue ! Déshabillez-vous ! Dans la plupart des cas, une heure ne suffirait pas pour découvrir tout ce qu’il faudrait savoir.

Chaque malade est un cas par lui-même et je suis obligé de travailler à la chaîne...

Maigret, alors, lui avait parlé de l’aboutissement de son travail à lui, c’est-à-dire des Assises, puisque aussi bien c’est là que la plupart des enquêtes trouvent leur conclusion.

— Des historiens, avait-il remarqué, des érudits, consacrent leur vie entière à étudier un personnage du passé sur qui il existe déjà des quantités d’ouvrages. Ils vont de bibliothèque en bibliothèque, d’archives en archives, recherchent les moindres correspondances dans l’espoir d’atteindre à un peu plus de vérité...

« Il y a cinquante ans et plus qu’on étudie la correspondance de Stendhal afin de mieux dégager sa personnalité...

« Un crime est-il commis, presque toujours par un être hors série, c’est-à-dire moins facile à pénétrer que l’homme de la rue ? On me donne quelques semaines, sinon quelques jours, pour pénétrer un nouveau milieu, pour entendre dix, vingt, cinquante personnes dont je ne savais rien jusque-là et pour, si possible, faire la part du vrai et du faux.

« On m’a reproché de me rendre personnellement sur place au heu d’envoyer mes inspecteurs. C’est un miracle, au contraire, qu’il me reste ce privilège !

« Le juge d’instruction, après moi, ne l’a pratiquement plus et ne voit les êtres, détachés de leur vie personnelle, que dans l’atmosphère neutre de son cabinet.

« Ce qu’il a devant lui, en somme, ce sont déjà des hommes schématisés.

« Il ne dispose, à son tour, que d’un temps limité ; talonné par la presse, par l’opinion, bridé dans ses initiatives par un fatras de règlements, submergé par des formalités administratives qui lui prennent le plus clair de son temps, que va-t-il découvrir ?

« Si ce sont des êtres désincarnés qui sortent de son cabinet, que reste-t-il aux Assises, et sur quoi les jurés vont-ils décider du sort d’un ou de plusieurs de leurs semblables ?

« Il n’est plus question de mois, ni de semaines, à peine de jours. Le nombre des témoins est réduit au minimum, comme celui des questions qui leur sont posées.

« Ils viennent répéter devant la Cour un condensé, un digest, comme on dit à présent, de ce qu’ils ont dit précédemment.

« L’affaire n’est dessinée qu’en quelques traits, les personnages ne sont plus que des esquisses, sinon des caricatures... »

N’avait-il pas eu une fois de plus cette impression-là ce matin, alors même qu’il faisait sa propre déposition ?

La presse allait écrire qu’il avait parlé longuement et peut-être s’en étonner. Avec un autre président que Xavier Bernerie, en effet, on ne lui aurait laissé la parole que quelques minutes, alors qu’il était resté près d’une heure à la barre.

Il s’était efforcé d’être précis, de communiquer à ceux qui l’écoutaient un peu de ce qu’il pressentait.

Il parcourut des yeux le menu polycopié et le tendit à Janvier.

— Moi, je prendrai la tête de veau...

Des inspecteurs restaient groupés au bar. On remarquait deux avocats au restaurant.

— Tu sais, ma femme et moi avons acheté une maison.

— À la campagne ?

Il s’était juré de ne pas en parler, non par goût du mystère, mais par pudeur, car on ne manquerait pas d’établir une corrélation entre cet achat et la retraite qui n’était plus si lointaine.

— À Meung-sur-Loire ?

— Oui... On dirait un presbytère...

Dans deux ans, il n’y aurait plus pour lui de Cour d’Assises, sinon à la troisième page des journaux. Il y lirait les témoignages de son successeur, le commissaire...

Au fait, qui allait lui succéder ? Il n’en savait rien. Peut-être commençait-on à en parler en haut lieu, mais -il n’en était évidemment pas question devant lui.

— De quoi ont-ils l’air, ces deux gosses ?

Janvier haussait les épaules.

— L’air qu’ils prennent tous en ce moment.

À travers les vitres, Maigret regardait la pluie tomber, le parapet gris de la Seine, les autos qui avaient des moustaches d’eau sale.

— Comment a été le président ?

— Très bien.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 ... 15
Перейти на страницу:
На этой странице вы можете бесплатно скачать Maigret aux assises - Simenon торрент бесплатно.
Комментарии
КОММЕНТАРИИ 👉
Комментарии
Татьяна
Татьяна 21.11.2024 - 19:18
Одним словом, Марк Твен!
Без носенко Сергей Михайлович
Без носенко Сергей Михайлович 25.10.2024 - 16:41
Я помню брата моего деда- Без носенко Григория Корнеевича, дядьку Фёдора т тётю Фаню. И много слышал от деда про Загранное, Танцы, Савгу...